Alger et Gambiez tombent

Sur la route qui mène à Zéralda la jeep de tête roule à tombeau ouvert. Au volant, le légionnaire Sladeck passe nerveusement ses vitesses. A côté de lui, le capitaine Sergent, qui a revêtu sa tenue camouflée et coiffé le béret vert, emmène vers Alger le 1°' régiment étranger de parachutistes. Les camions et les jeeps forment une longue colonne. Trois compagnies et le P.C. du 1" R.E.P. Tous phares allumés. Impressionnant. Le glorieux 1°' étranger de parachutistes n'est plus le régiment vedette de la 10e  division de parachutistes mais une unité rebelle qui s'apprête à conquérir le pouvoir à Alger. Déjà Sergent a eu à franchir plusieurs barrages de gendarmes. Le premier par ruse. Les autres en force. La 1ere  section a débarqué de ses camions et a dégagé la route des chicanes de barbelés et des herses aux dents acérées. Les gendarmes n'ont pas protesté. Il faudrait tirer et ils n'en ont aucune envie.
A l'entrée d'Alger, Gambiez, dans sa voiture noire à fanion tricolore, suffoque de rage. Impossible d'arrêter ce dragon qui avance à 80 km à l'heure, prêt à cracher le feu. Pourtant, profitant d'un ralentissement, son chauffeur parvient à couper le convoi et à immobiliser sa voiture en travers de la route. Gambiez descend dans la lumière des phares. Arrêtez.. mais arrêtez donc ! »

Saint-Hillier, le chef de la 10° D.P., qui a accompagné Gambiez, voit avec effarement le plus beau régiment de sa division bousculer en force la voiture du commandant suprême en Algérie. Comme une vulgaire voiture de marchand des quatre-saisons arabe !
Et le convoi s'ébranle à nouveau. Durand-Ruel connaît bien son objectif : le Gouvernement général. C'est là, sur le Forum, où il a suivi la compagnie du 1°' R.E.P., que Gambiez, après avoir tenté une dernière fois d'arrêter les légionnaires avec un courage physique qui confirme sa légende de baroudeur, sera arrêté par des légionnaires allemands qui, à de rares exceptions près, ne comprennent pas grand-chose à ce qu'on leur fait faire.

A 2 h 45, ce samedi 22 avril 1961, les trois généraux de la villa des Tagarins se félicitent. Alger est tombé. Les prévisions du plan Godard exécuté par Saint­Marc-Robin se sont réalisées point par point. Tous les centres vitaux d'Alger sont aux mains des paras rebelles. La radio et la télévision sont prises. Au palais d'Eté, Morin, Buron et leurs collaborateurs sont consignés dans leurs chambres. Gambiez, Vézinet et quelques autres sont « au trou ». Seule ombre au tableau, la mort du maréchal des logis Pierre Brillant, tué par les paras alors qu'il tentait de défendre l'émetteur radio d'Ouled­Fayet. On parlera de méprise regrettable. Et l'on oubliera bien vite l'incident.

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